Qu'est-ce que l'affaire Laki ?
Qu’est-ce que l’affaire Laki ?
Moins spectaculaires que l’explosion du volcan indonésien de Tambora (1815), l’éruption du Laki- gar en Islande (8 juin 1783) et le consécutif écoulement en nappe d’énormes flots de lave basaltique intéressent les scientifiques plus encore que l’ : les géologues du vivant, parmi lesquels l’éminent M. Courtillot, disciple de Claude Allègre, y voient un modèle pour les extinctions d’espèces animales, lors du Permien. Dans l’île ultra-nordique (105 000 kilomètres carrés) se déversent, sur 580 km2, 15 km3 de matière enflammée accompagnée de projections de vapeurs soufrées. Les conséquences en Islande sont extrêmes. Le bétail est décimé : la moitié des bovins, 80 % des chevaux et des moutons périssent ; la mortalité humaine affecte 20 % de la population insulaire (10 000 décès pour 50 000 habitants) grosso modo. Les décès humains ont plusieurs causes : l’appauvrissement radical qui dérive des destructions du cheptel, mais aussi l’absorption, par voie respiratoire, de composés fluorés et sulfureux. Or ces vapeurs, sous la forme d’un brouillard sec et rouge chargé d’aérosols sulfuriques, vont se répandre en Europe occidentale, voire au-delà.
Les conséquences sont-elles climatiques également, et d’abord thermométriques ? L’été 1783 en tout cas est très chaud, notamment juillet (20,6° de moyenne en Hollande, J.J.A., et vendange précoce en France) ; l’hiver 1783-1784 est extrêmement froid, avec, en février-mars 1784, d’énormes inondations. Quant aux conséquences agricoles françaises, elles sont inexistantes ou inoffensives : les récoltes 1783 et 1784 sont tout à fait correctes, sauf pour les menus grains. Mais l’impact démographique du phénomène Laki est spectaculaire, fort agressif en Angleterre où l’on observe une surmortalité humaine à partir d’août 1783, due notamment aux inhalations d’air soufré. Il s’agit d’une intoxication de masse, dont les conséquences démographiques (surmortalité) vont se prolonger jusqu’en mai 1784 sans être pour autant gigantesques, tant s’en faut. Le même phénomène s’observe en Écosse, en Norvège, et dans une moindre mesure, plus régionale, en France, où les provinces nord-est et
sud-est accusent une augmentation de la mortalité (globalement) d’août 83 à mai 84. Les registres d’état civil de certaines paroisses françaises font état de « fièvres » qui auraient provoqué de nombreux décès – fièvres sans doute liées à ce brouillard rouge imprégné de produits soufrés et fluorés. Ainsi le Laki est-il un phénomène à la fois volcanique, écologique et climatique dont les conséquences concernent, à un degré variable selon les régions, tout l’hémisphère nord : famine en Islande, simple mortalité en 1783 et 1784 pour l’Angleterre et la France. Il ne s’agit point à coup sûr d’une « cause de la Révolution française » ! Cette même année 1783 vit aussi l’éruption au Japon du volcan Asama : ses retombées infligent de grosses pertes aux cultivateurs, puis une famine massive à l’endroit des populations nippones.