Y a-t-il une gestion Bonaparte des aléas subsistantiels nés du climat ?
Y a-t-il une gestion Bonaparte des aléas subsistantiels nés du climat ?
Dès avant l’Empire, l’année 1802 (l’an X) est très difficile du point de vue frumentaire (et vinicole), par suite de récoltes déficitaires cette année-là, nées de mauvaises conditions climatiques, certes banales. L’hiver 1801-1802, extrêmement humide, est resté mémorable par les vastes inondations qui ont affecté presque tous les cours d’eau français, notamment en janvier 1802 : inondation centennale à Paris; comme en 1658, 1740 et 1910 ! Un printemps trop sec (mars, avril, mai 1802) succède
à cet hiver humide. Les conséquences économiques et humaines sont importantes (surtout pour 1802 précisément) en termes de disette relative et de démographie (baisse des mariages et des naissances, augmentation des décès d’origine infectieuse en raison d’épidémies collatérales). À cette crise, le Premier Consul apporte des réponses antilibérales classiques : suppression de la liberté des prix, réglementation de la boulangerie parisienne, constitution de stocks. Cela dit, la conclusion de la paix d’Amiens avec l’Angleterre (mars 1802) permet, au moins pour un temps, des importations céréalières : elles détendent la situation, notamment à Paris.
Lors d’une phase ultérieure, l’Angleterre, isolée depuis 1806 par le Blocus continental, est confrontée, dans le cadre d’une série d’années globalement et respectivement fraîches (de 1807 à 1814)… et d’une année brûlante (1811), l’Angleterre, donc, est confrontée à une succession de récoltes médiocres (1808, 1810) ou mauvaises (1809, 1811 et 1812) ; elles engendrent des food riots. La France impériale, en revanche, connaît sept ou huit belles ou convenables récoltes successives, de 1804 à 1810. Très céréalière à l’époque, la France est allée jusqu’à exporter du grain pendant la première décennie du xixe siècle et elle pourra compter, bon gré mal gré, lors de la mauvaise année 1811, sur les «provendes » en provenance des « provinces-sœurs » conquises par la Révolution et l’Empire (Rhénanie, Belgique, Pays-Bas). Quant aux éventuelles émeutes de subsistance, elles sont vite réprimées : la police impériale est bien faite.
L’année 1811 apparaît comme la répétition de 1788, mais sous «l’égide» d’un État fort. Le printemps et l’été 1811, brûlants (surtout le printemps), occasionnent échaudage et sécheresse en France, Angleterre, Suisse, Italie du Nord, Espagne : la vendange, précoce, est connotée par l’illustre et délicieux « vin de la comète », ainsi millésimé en raison du passage d’une comète au firmament ouest-européen. Nous sommes dans un paysage de disette, certes, mais assez différent du modèle habituel (hiver très froid, printemps dépressionnaire, été pourri, comme en 1315, 1661, 1693, 1740, 1770, 1816). L’an 1811 en revanche s’inscrit dans une série originale de printemps-étés chauds, malgré le PAG ; étés fort chauds ressentis à maintes reprises (de 1778 à 1781, puis en 1788, 1794, 1811… et 1846). La pénurie frumentaire, conséquence de cet échaudage 1811, sera ressentie jusqu’en Belgique, Hollande, Irlande, Italie. À partir des régions d’annexion récente, divers excédents permettront néanmoins d’assurer le ravitaillement en particulier à
Paris, où l’agitation demeure toujours menaçante face au déficit des grains quasi général. Les émeutes de subsistance, notamment féminines, éclatent (Caen et autres cités normandes, ainsi qu’à Charle- ville). La France connaît alors un épisode de sous- production industrielle et de chômage, contraignant le gouvernement impérial à promulguer des mesures d’assistance. Crise des industries textiles en effet ; déterminée, notamment, par la concentration du pouvoir d’achat populaire sur le pain, lui-même devenu rare et cher.