L'effet de serre additionnel : catastrophe ou catastrophisme
Catastrophe ou catastrophisme
Nous avons tous fait l’expérience d’un effet de serre désagréable : dans une voiture non climatisée, immobilisée à un péage d’autoroute, par exemple, la température monte très vite si les vitres du véhicule demeurent fermées. En général, on limite les effets du phénomène en baissant les vitres. Ce comportement simple, dicté par l’intuition et l’habitude appelle un commentaire. La voiture a reçu de l’énergie en provenance du Soleil, sous forme de rayonnements divers : lumière visible, infrarouges, entre autres. L’intensité maximale du rayonnement solaire se situe dans la lumière visible. Lorsqu’on a baissé les vitres de la voiture, une partie de la chaleur accumulée a été réémise vers l’extérieur, sous forme d’infrarouges invisibles. Si, au contraire, il faisait très froid, nous fermerions les vitres afin de ne pas laisser la chaleur bienfaisante s’échapper. On voit, dans cet exemple, l’importance des vitres dans la régulation thermique du véhicule. Les gaz à effet de serre du véhicule spatial « Terre » ont, toutes proportions gardées, la même fonction que les vitres de la voiture.
L’énergie solaire… au xviie siècle
Il faut imaginer le savant genevois Horace-Bénédict de Saussure(1740-1799), sur les flancs du mont Blanc avec un appareil étrange de son invention : 1’ « héliothermomètre ». Nous sommes en 1787. Ce géologue et physicien vient d’accomplir la seconde ascension du toit de l’Europe, après que le cristallier chamoniard Jacques Balmat (1762- 1834)et le Dr Michel Gabriel Paccard (1757-1827) l’eurent vaincu pour la première fois l’année précédente. Saussure est un montagnard accompli et résistant. Il a traversé quatorze fois la chaîne des Alpes par huit itinéraires différents, mais a également parcouru un grand nombre de massifs en Europe. A cette époque pourtant, l’ascension des montagnes n’a que des motifs scientifiques : la valeur de l’aspect sportif de l’alpinisme reste encore à découvrir.
Horace-Bénédict de Saussure se demandait si l’intensité du rayonnement solaire ne varie pas avec l’altitude. On pourrait le penser puisque la température extérieure varie. Il conçoit donc un appareillage qui laissera passer le rayonnement solaire mais sera isolé des conditions thermiques extérieures : l’héliothermomètre. Il en a conçu plusieurs, mais tous basés sur le même principe : des isolements triples ou même quintuples réalisés au moyen de plaques de verre, ou bien des cubes de verre emboîtés les uns dans les autres. Il utilisera également des calottes de verre hémisphériques emboîtées comme des poupées gigognes. Un thermomètre mesurait la température à chaque niveau d’isolation.
L’héliothermomètre est donc ce que l’on nomme aujourd’hui un capteur solaire. De nos jours, et dans les régions assez ensoleillées, on peut préchauffer de l’eau à usage domestique par ce genre de moyen. Les systèmes d’isolation des maisons au moyen de doubles-vitrages sont des capteurs solaires élémentaires.
Saussure prouvera aussi que la température intérieure ne change pas avec l’altitude, quelle que soit la température extérieure, à condition toutefois que le rayonnement solaire demeure inchangé. C’est, au passage, la raison pour laquelle le rendement des panneaux solaires diminue peu en hiver dans nos régions. Il peut même se produire qu’ils soient moins efficaces en été, en raison de l’inclinaison défavorable des rayons du Soleil sur les panneaux pendant cette saison.
La métaphore de l’effet de serre
En 1824, le mathématicien et physicien Jean-Baptiste Joseph Fourier (1768-1830) établit pour la première fois une relation métaphorique entre l’héliothermomètre de Saussure et le globe terrestre, dans ses « Remarques générales sur les températures du globe terrestre et des espaces planétaires ». Fourier comprend que la Terre est réchauffée par le fait que la lumière visible pénètre dans l’atmosphère plus aisément que le rayonnement infrarouge tellurique n’en sort. Mais il n’identifie pas les gaz à effet de serre responsables du phénomène.
C’est un physicien irlandais, John Tyndall (1820- 1893)qui va véritablement installer la problématique de l’effet de serre : il établit en 1861 la valeur de l’absorption de la vapeur d’eau et montre son importance majeure, ainsi que le rôle important du gaz carbonique, dans les mécanismes de ce phénomène.
Svante August Arrhenius (1859-1927) est un chimiste et physicien suédois, prix Nobel de chimie en 1903, qui ira encore beaucoup plus loin. En matière climatique, il a notamment montré le rôle important du gaz carbonique : « (…) j’ai pu calculer que si l’acide carbonique disparaissait en entier de notre atmosphère, dont il n’occupe que les trois dix millièmes en volume, la température diminuerait de 21°. »* Cela est aujourd’hui admis, même si les chiffres diffèrent quelque peu.
Mais cette assertion est porteuse, en germe, de l’un des arguments les plus fréquemment avancés par les adversaires de l’idée « d’effet de serre additionnel » (qui serait dû aux activités humaines, industrielles, agricoles, et privées) : le gaz carbonique n’existe qu’à l’état de traces dans l’atmosphère terrestre ; comment pourrait-il, dans ces conditions, avoir des effets importants en matière de réchauffement climatique ? La réponse classique est que, potentiellement : « à petites causes, grands effets ». Ainsi, la « couche d’ozone », qui nous protège contre les rayons ultraviolets du Soleil les plus nocifs, formerait une coquille de quelques millimètres d’épaisseur seulement autour de la Terre si les molécules qui la composent n’étaient pas largement diffusées dans la stratosphère. Il y a plus de 3,5 milliards d’années, les premiers organismes vivants ont indirectement permis, par fixation du carbone et libération d’oxygène (02), la formation d’une pellicule d’ozone (03) qui allait leur permettre ultérieurement de conquérir les terres émergées, jusqu’alors totalement abiotiques, c’est-à-dire désertes de toute vie.
Arrhenius fut le premier chercheur à poser la question des activités humaines en matière d’effet de serre : il considérait que l’usage des combustibles fossiles (hydrocarbures et charbons, sous leurs diverses formes) pouvait provoquer un effet de serre « additionnel » et, par conséquent, augmenter la température moyenne de la Terre. Comme on ne connaissait pas à l’époque les facteurs astronomiques des grands changements climatiques (ils allaient être découverts par Milutin Milankovitch au cours de l’entre-deux- guerres), on craignait surtout une nouvelle glaciation. En harmonie avec l’optimisme scientiste qui régnait à l’aube du XXe siècle, Arrhenius pensait que l’effet de serre additionnel, s’il était avéré, serait alors un bon moyen pour lutter contre le refroidissement du globe !
Aujourd’hui, de quoi sommes-nous absolument sûrs en matière de relations entre le taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et le climat ? Comme nous Talions voir, nous savons beaucoup de choses mais depuis peu.
Vidéo : L’effet de serre additionnel : catastrophe ou catastrophisme
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