Les futurs incertains : Le scénario oublié
Il est pourtant un scénario qui n’a pas été envisagé par les experts du GIEC. Appelons-le « C », comme « catastrophe » : les pays du G7 et de Pocde régulent la consommation d’énergie fossile à leur profit sans se préoccuper véritablement des pays les moins avancés. Les relations avec des pays émergents puissants comme la Chine se tendent en matière de consommation énergétique et de matières premières. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer.
Des conflits d’impérialismes se font jour, entre les grandes entités géopolitiques qui désormais dominent le monde : les États-Unis et leur immense zone d’influence (qui comprend la plupart des pays d’Amérique du Sud, le Japon et l’Asie du Sud-Est, en passant par Israël), l’Europe, la Russie et la Chine – qui concurrence désormais la première puissance mondiale ! Limités dans leur développement par manque d’énergies fossiles, étranglés par le service de la dette et les « ajustements structurels » imposés par le FMI et la Banque mondiale, les pays les moins avancés s’enfoncent et l’Afrique fait naufrage, à l’exception du Maghreb et de l’Afrique du Sud qui surnagent difficilement. Partout, les intégrismes et les guerres locales se développent, tandis que les pays les plus arrogants multiplient les interventions armées sous divers prétextes « démocratiques » ou humanitaires, mais avec toujours les mêmes intentions politicoéconomiques : maîtriser les énergies fossiles et s’approprier les matières premières nécessaires à leur développement. Partout, les inégalités se creusent : entre riches et pauvres dans les pays avancés, entre pays développés et Tiers Monde à l’échelle de la planète.
La croissance démographique continue puisque c’est la misère qui engendre la surpopulation et non le contraire. Et dans ce désastre néo-libéral plus que plausible (contrairement à la majorité des scénarios plutôt optimistes du GIEC), le climat ne compte plus pour grand-chose, sinon pour aggraver les souffrances des pauvres, et ce constat n’est pas le moindre paradoxe d’une réflexion initialement centrée sur le changement climatique.
Les rétroactions
Parmi les nombreux cauchemars des modélisateurs, les « rétroactions » se taillent la part du lion. On se souvient qu’au milieu des années 1980, la menace d’un conflit nucléaire généralisé planait encore sur la planète. C’est l’époque où le président des États-Unis, Ronald Reagan, avait lancé un programme démentiel de « guerre des étoiles » pour y participer : il s’agissait de mettre en place un système de missiles et de lasers à rayons X hyperpuissants pour détruire dans l’espace les missiles ennemis ! Dans l’hypothèse où l’attaque aurait eu lieu et où les dispositifs de défense n’auraient pas bien fonctionné, tous les scientifiques s’accordaient pour affirmer que d’immenses quantités de poussières et de vapeur d’eau seraient rejetées dans la haute atmosphère par les explosions thermonucléaires, et obscurciraient les deux pendant plusieurs mois. En revanche, c’est sur les effets de ces nébulosités que les experts ne s’accordaient pas. Les uns affirmaient que les nuages piégeraient les infrarouges réémis par la surface terrestre et que la chaleur moyenne de l’atmosphère augmenterait considérablement, par intensification de l’effet de serre. « Non ! » rétorquaient les autres : les nuages empêcheront le rayonnement solaire de parvenir jusque sous la couverture nuageuse, et c’est à un hiver nucléaire qu’il faudra s’attendre. La question des rétroactions était désormais sur le devant de la scène en climatologie.
On appelle « rétroaction » d’un phénomène l’effet en retour qu’il produit sur les circonstances de son propre développement. Ainsi, un thermostat couplé à une chaudière régule par rétroaction la température d’une maison : si la température est inférieure à la température désirée, la chaudière est mise en marche ; lorsque la température souhaitée est atteinte, le fonctionnement de la chaudière est interrompu. Dans les deux cas, après avoir reçu une information, le thermostat a « rétroagi ». Ces rétroactions sont dites « négatives » car leur effet s’oppose à la tendance initiale. Il existe des rétroactions positives, lorsque l’effet aggrave la tendance initiale.
Ainsi, une rétroaction positive est déclenchée par une chute de neige, laquelle modifie l’albedo de la surface terrestre qu’elle recouvre, rendant la fonte de cette neige plus difficile puisqu’elle réfléchit le rayonnement solaire. Mais il est des rétroactions qui peuvent être diversement interprétées, comme celles des nuages : d’une part, ceux-ci peuvent, comme la neige, réfléchir le rayonnement solaire et donc tendre à faire baisser la température. Cependant, ils peuvent également faire obstacle à la réémission vers l’espace du rayonnement réfléchi par la surface du sol, et contribuer à l’intensification de l’effet de serre : « Ce rôle, dit de “rétroaction positive”, fait de la vapeur d’eau un amplificateur potentiel des changements climatiques. »’ Quel casse-tête pour le modélisateur !
De manière comparable, la difficulté à maîtriser la vitesse et la puissance des courants abyssaux de la circulation thermohaline rend très incertaines les hypothèses sur le refroidissement possible de l’Europe en cas de réchauffement de la température moyenne de la Terre.
Le Protocole de Kyoto
Au mois de décembre 1997, les délégués de 160 pays se réunissent à Kyoto, au Japon, pour envisager les mesures à prendre afin de lutter contre le réchauffement de la planète. Cinq ans plus tôt, une Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (ccnucc) avait été ouverte à la signature, à Rio de Janeiro, lors du Sommet de la Terre de juin 1992 – plus connu sous le nom de « Conférence de Rio ». L’article 2 de ce texte stipulait que « l’objectif ultime de la présente Convention (…) est de stabiliser, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Il conviendra d’atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d’une manière durable ».
Pourtant, dès les origines, le processus est perturbé par des considérations étrangères au salut climatique de la planète, pourtant affiché haut et fort. Ainsi : « La Conférence des Parties accorde aux Parties en transition vers une économie de marché, pour leur permettre de faire face aux changements climatiques, une certaine latitude dans la limitation de leurs émissions anthropiques de gaz à effet de serre notamment en ce qui concerne le niveau historique qui sera choisi comme référence. »
A Kyoto, les négociations furent âpres mais les parties s’accordèrent finalement pour réduire les émissions de six gaz à effet de serre de 5,2 % par rapport aux niveaux estimés de 1990. Cet objectif devant être atteint entre 2008 et 2012. Les États-Unis devront réduire leurs émissions de 7 %, le Canada de 6 %, et l’Union européenne de 8 % ! Mais là encore, des considérations économiques et politiques conduisent à exempter la Chine, deuxième pollueur du monde. Si l’enjeu n’était pas si grave, les arguments invoqués apparaîtraient parfois comiques. Ainsi, la Chine avance que si l’on divise la totalité de ses émissions de GES par le nombre de ses habitants, elle pollue moins que la plupart des autres pays !
Les Américains protestent et exigent que les grands pays émergents comme l’Inde et la Chine fassent également des efforts. Leur argument ne manque pas non plus de sel : ils admettent volontiers qu’ils sont, par habitant, les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre de la planète (20 t de C02 par habitant et par an, contre 2,3 t pour la Chine). Mais ils considèrent que leur « efficacité énergétique » est beaucoup plus importante : en effet, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), pour produire 90 Ç de Produit intérieur brut, un Américain émet 0,77 t de gaz carbonique, tandis qu’un Chinois en émet 3,54 t.
D’ailleurs, certaines dérogations sont prévues. Ainsi, les pays les plus avancés peuvent obtenir des crédits d’émission s’ils financent, dans les pays en développement, des projets de réduction d’émissions. Les pays industrialisés peuvent ainsi s’acquitter d’une partie de leurs engagements en menant des projets peu coûteux à l’étranger – les réductions ainsi réalisées leur étant alors créditées !
Autre aménagement qui fait couler beaucoup d’encre par son cynisme : le programme d’échange de droits d’émissions. Les entreprises, ou les pays, qui auront réduit leurs émissions plus qu’il ne leur est juridiquement nécessaire pourront vendre leur « surplus » à d’autres qui se trouveront en difficulté pour atteindre l’objectif qui leur aura été assigné. Ainsi, un pays s’étant engagé à restreindre ses émissions à hauteur de 100 000 t de C02 et «yant atteint une réduction de 120 000 t par la mise en place de technologies plus « propres », pourra revendre à un pays intéressé un permis équivalent aux 20 000 t « en surplus ». L’idée est défendable, mais dans la pratique, le lùlan est quasiment nul, puisque la plupart des pays et entreprises sont incapables de satisfaire aux quotas «l’émissions qui leur ont été assignés. En revanche, au plan financier, on aura compris que le bilan est loin d’être nul iar ces permis d’émissions sont négociés de la même manière que les actions sur les places boursières ! Cette idée a été proposée par les Américains en échange de la ratification du Protocole (dont ils se sont depuis retirés !). Knfin, des sanctions sont envisagées par le Protocole de Kyoto envers les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements, mais le texte n’indique pas ce que pourraient être ces contraintes, sinon un nouvel objectif plus ambitieux que prévu, afin de « rattraper » le retard…
La question de la ratification du Protocole revient régulièrement sur le devant de la scène. Sur ce point, il convient de bien distinguer le nombre de signataires de l’accord, et sa ratification par les États. Il est prévu que le Protocole entre en vigueur lorsque au moins 55 pays (Parties à la ccnucc) l’ont ratifié. Il faut aussi que la somme des émissions de ces pays représente 55 % du total des émissions de 1990 par les pays développés. Jusqu’à la signature de la Russie en octobre 2004, plus de 125 États l’avaient signé mais ils ne représentaient pas 55 % des émissions de GES. Cette signature n’engageait d’ailleurs pas la majorité de ces pays à de gros efforts en la matière puisqu’ils en rejettent déjà très peu. C’est pourquoi la Russie, qui représente à elle seule près de 18 % des émissions, a été si fortement
En effet, sous la présidence de William Clinton, les Etats-Unis s’étaient engagés à la ratification, malgré de fortes réticences du Sénat qui s’inquiétait d’éventuelles pressions sur les entreprises : il s’agissait de s’assurer que les réductions pourraient être effectuées dans le cadre des « lois du marché ». Tout change après que George W. Bush ait accédé à la Maison-Blanche : il annonce dès le 29 mars 2001 qu’il ne ratifiera pas le Protocole de Kyoto et même qu’il s’en retire totalement, parce que ses dispositions sont contraires aux intérêts économiques des États-Unis.
Une réponse pour "Les futurs incertains : Le scénario oublié"
Quand on pense que la décison d’un seul homme peut perdre l’humanité à jamais. Merci encore à Mr Bush, qui préfère penser à ces intérêts souverains et immédiats au détriment de la planète.