Cobayes et caviomorphes
Depuis la fin de l’ère secondaire, le sous- continent sud-américain s’est détaché de l’Afrique, à laquelle il était soudé, et dérive vers l’ouest comme une île gigantesque.Au début du tertiaire, le développement extrêmement rapide des mammifères leur permit de conquérir les niches écologiques abandonnées par les dinosaures et les reptiles mammaliens. Or une communication terrestre a brièvement existé entre les deux Amériques, qui permit à des mammifères primitifs venus du nord (xénarthres et marsu-piaux) de s’installer dans le Sud. Une faune endémique, issue de ces groupes immigrants, s’est développée en Amérique du Sud, redevenue une île pendant plus de 30 millions d’années.
A côté de cette faune sud-américaine archaïque dont on connaît l’origine, des rongeurs et des singes (on a retrouvé leurs fossiles) apparaissent brusquement, à une époque où le continent était déjà retourné à son isolement. D’où viennent-ils ? Et comment sont-ils venus ?
L’unité dans la variété
Quelles que soient les réponses données à ces questions, on sait que les caviomorphes sont des immigrants arrivés probablement en deux vagues : l’une, la plus ancienne, ayant introduit les éréthizontidés (les «porcs-épics du Nouveau Monde»), la seconde les autres caviomorphes. Les formes actuelles sont endémiques dans la région néotropicale, y compris l’archipel des Caraïbes. La taille et la forme de ces animaux sont très variables, mais tous ont la même formule dentaire, ainsi qu’un type particulier d’insertion des muscles de la mandibule, que l’on retrouve chez certains rongeurs africains.
Des chercheurs ont donc proposé que l’ensemble de ces formes soient classées dans un même groupe, dont les ancêtres auraient vécu en Afrique : des fossiles apparentés y sont en effet connus bien avant que n’apparaissent les fossiles sud-américains. La difficulté est alors d’expliquer comment les premiers caviomorphes ont pu voyager entre deux continents séparés par un océan. D’autres chercheurs (américains pour la plupart) ont avancé une explication antagoniste : les ressemblances entre rongeurs africains et américains seraient uniquement des convergences, et les caviomorphes seraient originaires d’Amérique du Nord.
Pourtant, de nombreux arguments plaident en faveur de l’origine africaine des caviomorphes : l’un des plus démonstratifs est celui concernant les parasites digestifs (voir Porcs-épics).
Une colonisation sans restriction
Face à des mammifères relativement primitifs, et en l’absence de prédateurs dangereux, les caviomorphes ont connu une radiation importante (on distingue quarante genres répartis dans cinq superfamilles) et ont occupé tous les milieux, depuis la forêt amazonienne jusqu’au sommet des Andes, avec des formes aussi variées que le marra des pampas, l’agouti ou le pacarana forestiers, le cabiai, qui vit comme un hippopotame nain, et également plusieurs formes couvertes de piquants constituant les «porcs-épics du Nouveau Monde».
Parmi les caviomorphes actuels, les octodontidés sont les plus proches des premiers immigrants connus à l’état fossile. Ces animaux, de taille moyen¬ne ou petite, ont un peu l’apparence d’un rat. Le dègue du Chili (Octodon degus) rappelle par son comportement les écureuils terrestres : il vit dans des régions à végétation clairsemée et creuse des terriers aux galeries très ramifiées. Les tucos-tucos, ou rats à peigne (genre Ctenomys), sont des formes souterraines adaptées à la vie fouisseuse, avec une grosse tête portant des incisives proéminentes, des oreilles et des yeux réduits, des membres courts et puissants pourvus de fortes griffes; ils vivent dans les régions désertiques et se nourrissent de racines et de bulbes. On range également dans ce groupe les rats épineux (genres Echi- myset Proechimys).
L’élevage ou l’extinction
L’une des premières victimes de la colonisation de l’Amérique par l’homme fut la famille des capromyidés, qui peuplait autrefois les Caraïbes, avec une quinzaine d’espèces. Comme c’est souvent le cas pour les animaux des îles, ces hutias, de leur nom indien, étaient peu aptes à se défendre contre les prédateurs. Le défrichement des forêts, l’introduction du chien et du chat, puis de la mangouste, utilisée pour lutter contre les rats, ont eu raison de la plupart des espèces. Parmi celles qui sont encore relativement abondantes, on trouve le hutias poilu à longue queue, de Cuba (genre Ca- promys), dont, fait unique chez les rongeurs, l’estomac est curieusement divisé en trois poches, un effet probable de son régime exclusivement végétarien.
Plusieurs formes géantes ont également disparu des îles, dont un cousin du pacarana, qui atteignait la taille d’un petit ours.
Le myocastor ou ragondin (Myocas- tor coypus) a eu plus de chance : cet animal de grande taille (il peut peser plus de 10 kilos), et dont le mode de vie rappelle celui du castor, est élevé pour sa fourrure, ce qui met momentanément l’espèce à l’abri de l’extinction. La famille des chinchillidés comprend elle aussi des formes employées par l’industrie vestimentaire : le poil laineux, fin et doux des chinchillas était utilisé dès l’époque précolombienne.
Les cobayes sont les plus répandus et les plus populaires des caviomorphes; ils étaient domestiqués par les Incas, qui consommaient leur chair. Très tôt introduits en Europe, après la conquête espagnole des -Indes occidentales», ils reçurent alors le nom de cochon d’Inde, sans doute aussi a cause des petits cris qu’ils émettent. Il existe plusieurs espèces sauvages, dont le cobaye des rochers (genre Kerodori), un agile grimpeur qui habite les régions montagneuses.
Vidéo : Cobayes et caviomorphes
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