Contexte météo de 1830 et 1848
Les révolutions de 1830 et 1848 s’inscrivent-elles dans un contexte météorologique significatif ?
Les deux grandes révolutions du xix ème siècle ne sont certes pas d’origine spécialement « climatique », mais elles s’inscrivent dans un contexte d’écologie original pour chacune d’entre elles et néanmoins significatif. Le blé a quitté le Moyen-Orient pour les latitudes tempérées depuis plus de 8 000 ans environ. Dans les bassins de Paris et de Londres notamment, il redoute les hivers qui « descendent » à moins 10° ou pire encore ; mais aussi les printemps-étés pourris qui tuent les emblavures ; et, marginalement, Yéchaudage-séche- resse de l’été. Sur la Révolution de 1789, on observera que 1788 et 1794 furent deux millésimes chauds (en moyennes thermiques globales annuelles respectives), et aussi sortes d’années de « mousson » avec intempéries ; l’année pré-récolte 87-88 est ainsi caractérisée par des pluies initiales (automne 87), un échaudage en avril-mai 89, puis un été chaud, très perturbé, de type « orage cévenol » (grêles, averses) : autant de conditions météorologiques qui vont nuire aux récoltes et faire mûrir « les raisins de la colère ».
La révolution de 1830 prend place, elle, dans un contexte de mécontentement (1827-1832) que la mauvaise agro-météo sous-tend pour une part. La classe moyenne, bien sûr, souhaite obtenir ou maintenir des libertés à l’encontre des Ordonnances Polignac. Elle revendique concrètement une participation au pouvoir. Or elle est soutenue dans l’immédiat par une plèbe que mécontente la vie chère due aux mauvaises récoltes de 1827, 1828 et (plus tard) 1830 et 1831, dont les répercussions se feront sentir jusqu’en 1832. Ces années-là « voient » de médiocres rendements frumentaires : ce sont années pluvieuses à partir de 1827, surtout 1828, puis 1830, millésime de grand hiver également (1829-30) : « Il faudra faire danser cet hiver », dit- on dans la bonne bourgeoisie parisienne, qui s’attend à donner des bals de bienfaisance. 1831 s’affiche comme nouvelle année pluvieuse, globalement fraîche et pourrie. Cette situation météorologique nous est connue par le nombre mensuel de jours de pluie, et grâce aux mesures des précipitations (par pluviomètre) en millimètres dans le Bassin parisien et en Hollande ; connue aussi par les niveaux de la Seine, bien observés depuis 1719 ou 1732 jusqu’en 1858 ; les moyennes établies par Arago montrent que ce fleuve a connu des maxima spécialement impressionnants, de 1827 à 1831. Certes, la politique, lors des ordonnances de Charles X, demeure primordiale ; mais un mécontentement de moyenne durée, dû à la vie chère et à la baisse des salaires réels, a engendré des émeutes de subsistance. Le tableau de ces « mouvements divers » est très caractéristique pour les années post-récolte 1827-1828, 1828-1829 et 1830-1831, voire 1831-1832. Il s’agit d’émeutes classiques destinées à faire baisser autoritairement et s’il le faut violemment les prix du pani- fiable : d’où incendies de granges, propriétaires menacés par des mendiants – toute une série de troubles persistants, notamment dans le centre et l’ouest de la France : il y a là une tradition de violence paysanne, plutôt de droite que de gauche. La révolution de 1830 constitue le point culminant, le moment de politisation maximale de ces troubles : ils ont créé, à partir de tels mécontentements, un certain « climat » ; ainsi la plèbe parisienne est-elle motivée à se joindre, en cours de route, aux mouvements essentiellement politiques, qui sont issus de ces contestations d’un ordre social.
Différent est le contexte agro-météorologique (1845-1848) quant à la révolution de 1848. La période est plutôt marquée par un maximum des glaciers alpins (1814-1959) dû à des hivers très neigeux, mais elle connaît aussi des étés chauds, comme celui de 1846. Il n’est pas question de réduire la révolution de 1848 à des conditions météorologiques, ce serait grotesque : mais il faut rappeler que la situation économique de l’époque n’est pas optimale : la maladie (d’origine américaine) des pommes de terre démarre en 1845 en Irlande, aidée incidemment par un été très humide qui stimule la dispersion des spores de fungus infestens. Puis cela se répand sur le continent européen, occasionnant une disette, tant la pomme de terre était devenue l’une des bases de l’alimentation populaire. A cela (Fungus) s’ajoute le coup d’échaudage et de sécheresse (Phoebus) de l’année 1846 ; il engendre en France une diminution d’environ 30 % de la récolte de blé : le trimestre estival 1846 est l’un des douze étés les plus chauds des 500 dernières années dans l’hémisphère nord1, après un printemps lui-même très tiède ; c’est le plus chaud de la période 1827-1852 en Angleterre, mais aussi en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne. L’accumulation de ces phénomènes (maladie de la pomme de terre, réduction de la productivité des céréales, disette) est à l’origine d’une crise à la fois économique (paupérisation), sanitaire (typhus, dysenterie) et démographique (surmortalité, baisse de la nuptialité et de la natalité) en Europe et notablement « chez nous ». Cette crise se concrétise par des manifestations diverses (mendicités de masse, révoltes de la faim…) ; elles prendront en France, puis dans l’ouest et le centre de l’Europe (Tumultus), une allure politique et révolutionnaire. Ce sera le « printemps des peuples » !
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