La canicule d'août 2033 en France : 14 802 morts officiels
La canicule d’août 2033 en France : 14 802 morts officiels
Si le record absolu de température (44,1 °C à Toulouse le 8 août 1923) n’est pas battu en août 2003, tous les autres le sont, notamment pour les deux premières semaines du mois d’août où la barre des 35 °C sera franchie dans 70 % des stations de Météo-France. Les températures maximales moyennes dépassent de 2 °C celles des trois derniers étés les plus chauds (1976, 1983 et 1994). Dans 15 % des stations météo, la température atteindra les 40 °C. L’élévation des températures atteintes en fin de nuit est encore plus nette. À Paris, ces températures minimales restent constamment au-dessus de 23 °C, entre le 7 et le 14 août. Un record absolu aurait même été battu dans la nuit du 11 au 12 août, où le thermomètre n’est jamais descendu en dessous de 25,5 °C‘ ! La séquence de neuf jours – du 5 au 14 août 2003 – au cours de laquelle les températures minimales ont dépassé 20 °C et où les maximales ont atteint ou dépassé 35 °C, était prévisible deux jours avant, c’est-à-dire dès le 3… .
Nous n’avons pas de chiffre officiel pour l’ensemble des morts de la canicule. En effet, pour des raisons qui laissent perplexe, seuls les décès survenus entre le 1er et le 20 août 2003 ont été comptabilisés (ensuite, la presse n’a fait que reprendre ces chiffres incomplets). Or, le Pr San Marco considère, depuis au moins 1992, qu’au-dessus de 35 °C, un seuil est franchi. Or ce fut le cas dans certaines régions de France bien avant le 1er août ; dans la seconde quinzaine de juillet en particulier. Voici d’ailleurs ce qu’en dit le Rapport opérationnel du système d’alerte canicule et santé 2004 de l’institut de veille sanitaire : « La canicule de l’été 2003 a été exceptionnelle en France à plus d’un titre puisque de fortes chaleurs ont persisté du 15 juillet au 15 août 2003 et que les températures maximales et minimales étaient inhabituellement hautes pendant la première quinzaine d’août (…) Les départements ont subi une sur- mortalité d’autant plus importante que le nombre de jours consécutifs avec des maximales supérieures à 35 °C a été élevé. »* Que sont devenus les morts de juillet dans les chiffres officiels ? On ne le sait pas, à moins qu’il n’y ait pas eu de décès surnuméraires avant le 31 juillet à minuit?
Il n’est pas non plus aisé de connaître les chiffres pour le reste de l’Europe. Le phénomène météorologique qui a provoqué la canicule n’a pas été différent d’une configuration estivale classique, mais son intensité et surtout sa durée furent inhabituelles : il s’est agi d’un anticyclone des Açores très puissant et stable, prolongé sur l’Europe par une immense dorsale , avec des masses d’air très chaud et sec en provenance d’Afrique ; le tout faisant obstacle au passage des perturbations orageuses et aux masses d’air humide de l’Ouest. Et comme l’air chaud du sud de la Méditerranée envahit aussi bien les couches hautes que les couches basses de l’atmosphère, les nuits sont insuffisamment rafraîchies, ce qui affaiblit encore les plus fragiles. On se souvient d’ailleurs que les plaintes des personnes les plus affectées portaient le plus souvent sur le caractère extrêmement pénible des longues nuits de chaleur suffocante.
Les experts avancent le plus souvent le chiffre de 35 000 morts pour l’ensemble de l’Europe concernée. Ce sont évidemment les pays du Sud qui sont les plus touchés : l’Italie (surtout au nord), la France, l’Espagne (sur¬tout en Andalousie) et le Portugal – qui aurait enregistré une température de 47,3 °C dans l’Alentejo. Cependant, la culture de canicule dans ces pays limite considérable¬ment les issues fatales : le Portugal n’aurait déploré « que » 1 316 morts surnuméraires entre la fin du mois de juillet et la mi-août. On a aussi avancé que la solidarité intergénérationnelle y aurait été plus intense qu’en France. C’est oublier, ou plutôt volontairement ignorer, que 84 % des Français décédés résidaient soit en institutions, soit en famille ou, en tout cas, ne vivaient pas seuls. Ainsi, le choix a été fait d’accuser les proches des victimes, plutôt que de regarder en face des institutions insuffisantes, des responsables cramponnés à leurs vacances et un système de santé sinistré par la lutte contre les « déficits publics »’. Souvenons-nous des 57 victimes de la région parisienne, dont les corps ne furent pas réclamés par leurs proches : ils ne représentent pourtant que 0,3 % des décès officiels pour le mois d’août. Mais que de généralisations hâtives ne furent pas faites sur le manque de solidarité des Français ! Ce calcul d’un pourcentage de 0,3 % paraît affectivement froid, mais il met en lumière la démarche idéologique du président de la République, qui venait de rentrer du Canada où il passait ses vacances, ainsi que celle du maire de Paris, lorsqu’ils vinrent assister à l’enterrement de ces quelques malheureux solitaires au cimetière de Thiais, le 3 septembre.
Restons en banlieue parisienne : le département du Val-de-Marne a connu 171 % de décès surnuméraires, contre 127 % dans Paris intra-muros. Est-ce qu’il y a fait plus chaud qu’à Paris ? Nous savons bien que non. Mais une population pauvre, chassée de la capitale au fil des décennies depuis la fin des années 1950 est massée dans la proche banlieue parisienne. Le taux de chômage est élevé et les conditions d’habitation plus pénibles qu’ailleurs, hormis dans quelques zones privilégiées. Les habitants de la banlieue partent moins en vacances que dans les quartiers de Paris qui furent les moins touchés. Mais la ville de Paris a connu aussi une mortalité additionnelle dépassant le double de la moyenne nationale : les logements insalubres très inconfortables ou surpeuplés sont encore nombreux dans certains quartiers. La surmortalité est croissante avec l’âge : elle atteint 70 % chez les personnes âgées de 75 à 94 ans et 120 % chez les personnes de 95 ans et au-delà. Dans tous les cas, les personnes âgées les plus riches ont été les moins touchées.
Ce qui s’est passé en France laisse perplexe lorsque l’on y compare les effets de la canicule avec ceux de la Belgique. Certes, la courbe des températures de la canicule belge s’est située légèrement plus bas qu’en France : en températures maximales elle n’a pas dépassé 35 °C, et les minimales n’ont pas dépassé 22 °C. Mais cette différence n’explique pas tout. Le système des maisons de retraite belges est très différent du système français. Les places disponibles y sont nombreuses. Ainsi, entre 1997 et 2002, 25 000 lits ont été médicalisés. Mais il y a autre chose : le respect porté aux personnes âgées par la population belge se traduit par un personnel beaucoup plus important qu’en France, donc par un meilleur accueil et des animations de meilleure qualité.
Rappelons qu’en période de canicule, les plus âgés peuvent ne pas ressentir la sensation de soif ; que certains sont dans l’incapacité de boire seuls et que d’autres enfin courent le risque de « s’étrangler » en buvant. Dans une maison de retraite, hydrater convenablement 60 personnes au cours d’une journée exige au minimum quatorze heures de travail supplémentaire, soit le recrutement de deux aides soignantes, ou femmes de service, à plein-temps. En Belgique, ces aides soignantes sont déjà en poste. Enfin, l’hébergement y coûte moins cher qu’en France. Ainsi, 2 500 retraités et 2 800 handicapés de nationalité française sont accueillis en Belgique pour ces raisons mêmes. Le gouvernement belge a déclaré n’avoir pas été touché par la canicule. Cela reste à vérifier, car la tendance à minimiser les catastrophes est en Belgique aussi vivace qu’ailleurs, mais il demeure qu’en France, nous aurions pu faire autre¬ment et éviter ainsi beaucoup de morts additionnelles.
Vidéo : La canicule d’Aout 2033 en France : 14 802 morts officiels
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