La vie et le climat
Le cycle du carbone
Le carbone existe en grande quantité sur notre planète et constitue un élément essentiel de la vie. En effet, non seulement le gaz carbonique de l’air ou les carbonates qui composent les roches calcaires contiennent du carbone, mais également tous les organismes vivants dont cet élément constitue l’ossature des molécules organiques, par ailleurs composées d’oxygène, d’hydrogène, d’azote et de phosphore.
La plus grande réserve de carbone à la surface de la Terre se trouve dans les sédiments calcaires qui renferment environ 30 000 fois plus de carbone que l’atmosphère, soit 20 millions de milliards de tonnes accumulées progressivement au fil des millénaires par dépôts successifs de carbonate de calcium (CaC03. L’océan renferme également une importante quantité de carbone, principalement sous forme d’ions bicarbonates (HCO3) dissous dans l’eau, à peu près 60 fois plus que l’atmosphère. La matière organique présente dans la biosphère, ainsi que ses résidus enfouis dans les sols et les océans, contient 5 fois plus de carbone que l’atmosphère. La masse de gaz carbonique dans l’air (0,03% en volume) représente donc une très faible proportion de la dotation en carbone de la Terre. Le réservoir atmosphérique participe toutefois très activement aux nombreuses réactions d’échange du carbone entre les différents milieux, principalement avec la biosphère et l’océan.
Les échanges de gaz carbonique entre l’atmosphère et l’océan sont tout aussi importants. L’eau de mer est en effet capable de dissoudre une fraction notable du gaz carbonique de l’air. L’absorption se produit essentiellement sous les hautes latitudes où les eaux de surface sont plus froides, ce qui augmente la solubilité du gaz dans l’eau. Dissous, le gaz carbonique réagit avec l’eau et se transforme pratiquement entièrement en bicarbonates. Pris dans les grands mouvements de brassage de la circulation océanique, cette réserve de carbone séjourne dans l’océan pendant des dizaines, des centaines, voire des milliers d’années jusqu’au moment où, atteignant les eaux de surface chaudes des tropiques, les bicarbonates se décomposent
Production primaire et couleur de la mer
L’océan réfléchit peu le rayonnement solaire, qui pénètre donc dans l’eau. Le rayonnement de grande longueur d’onde, du rouge au jaune, est tout de suite absorbé dans les premiers mètres de son parcours dans l’eaü. Seul le rayonnement de plus courte longueur d’onde, du bleu au vert, atteint une profondeur de quelques dizaines de mètres et permet la production de phytoplancton dans la zone «euphotique». Toutefois, une petite partie du rayonnement qui a pénétré dans l’eau est rediffusée vers l’atmosphère par toutes les microparticules en suspension. Cette diffusion, maximale pour les courtes longueurs d’onde, confère une couleur bleue à la mer. La présence de chlorophylle et d’autres pigments du phytoplancton nuance cette couleur. Ils absorbent les rayonnements de couleur bleue et rouge et renvoient préférentielle- ment le rayonnement de couleur verte.
Les régions où la production de phytoplancton est abondante sont restreintes. Exceptées certaines franges côtières des régions tropicales, l’océan Austral et l’Atlan- tique Nord, la majeure partie des océans est constituée d’«eau bleue», pratiquement stérile. Sous les tropiques, où l’ensoleillement est intense tout au long de l’année, seules les régions d’upwellings sont capables de fournir les substances nutritives en quantité suffisante pour alimenter une production continue de matière vivante. Sous les hautes latitudes, une véritable explosion de la production primaire se produit au printemps. A cette saison, l’ensoleillement devient suffisamment intense pour permettre une photosynthèse abondante, entraînant la consommation rapide des substances nutritives amenées à la surface grâce au brassage vigoureux des eaux provoqué par les forts coups de vents de l’hiver.
La biologie marine et le cycle du carbone
La présence de gaz carbonique dissous et la pénétration d’une fraction du rayonnement solaire dans l’eau permettent la prolifération d’algues microscopiques à la surface des océans. Cette production primaire de phytoplancton, consommée par le zooplancton, lui-même ingéré par les poissons, assure. le maintien de la vie dans les océans. Tout au long de cette chaîne alimentaire, le carbone fixé initialement par photosynthèse dans les cellules du phytoplancton est ensuite réutilisé pour constituer les tissus des autres organismes vivants et des déchets organiques de toutes sortes. Le phytoplancton produit de cette manière un recyclage rapide du carbone dans les eaux de surface des océans: l’absorption réalisée au cours de la photosynthèse est compensée par un dégagement permanent de gaz carbonique provoquée par la respiration des algues, des poissons ainsi que par l’oxydation des déchets.
Une fraction de ce carbone, environ 10%, est soustraite de ce recyclage. Pelotes fécales, tissus morts et autres déchets sombrent sous l’effet de leur poids et emportent avec eux en profondeur une partie du carbone absorbé à la surface des océans. La majeure partie de cette «neige marine» se redissout ou se décompose sous l’action de bactéries avant même de parvenir au fond des océans, libérant ainsi le carbone de la matière organique pour l’ajouter au réservoir des bicarbonates. Une infime fraction de la «neige marine», environ 1%, parvient jusqu’aux abysses et se dépose, formant des sédiments, dans lesquels le carbone se retrouve piégé pour des millions d’années. A ce dépôt de matière organique s’ajoute la précipitation des coquilles et squelettes carbonatés d’algues et d’animaux marins. C’est ainsi que ces divers restes, fossilisés, gardent la mémoire de l’histoire des climats, figée dans les strates sédimentaires
Activité biologique et climat
les profondeurs où les temps de recyclage sont beaucoup plus longs. Supposons maintenant qu’à un moment donné, la production biologique des océans s’intensifie: le mécanisme de pompe se mettrait alors en marche et éliminerait une plus grande quantité de carbone des eaux de surface. Ce déficit serait compensé par un flux plus important de carbone provenant de l’atmosphère, qui réduirait d’autant la concentration de gaz carbonique dans l’air. Ce déséquilibre se poursuivrait jusqu’à ce que le carbone emporté vers les profondeurs par la «neige marine» soit ramené à la surface par la circulation océanique, ce qui pourrait se produire plus de mille ans après l’activation de la pompe biologique. On voit ainsi que ce mécanisme est capable de modifier la composition de l’air et donc le climat.
Mais l’intensité de la pompe biologique dépend elle-même de la circulation océanique qui seule peut amener depuis les grandes profondeurs les substances nutritives indispensables à la production primaire. Le phytoplancton prolifère en effet jusqu’à épuisement de l’une de ces substances. Le réservoir des sels nutritifs se trouve uniquement dans les profondeurs océaniques, où nitrates et phosphates, libérés par la décomposition de la «neige marine», ne peuvent être consommés par le phytoplancton, dont le métabolisme est bloqué faute de lumière. Seules les remontées d’eau profonde ramènent ces substances nutritives en surface et alimentent une abondante production primaire.
Dans les régions tropicales, cette production se limite généralement à une frange côtière assez étroite où l’eau de surface est chassée vers le large par les vents côtiers, provoquant une résurgence, ou upwelling, des eaux sous-jacentes. Ces franges, qui apparaissent clairement en observant la couleur de la mer depuis l’espace, assurent une pêche abondante le long des côtes, que ce soit au Pérou ou au Sénégal.
On voit ainsi se mettre en place des processus en chaîne. Une intensification des vents côtiers se répercute sur la circulation océanique qui induit une activation de la pompe biologique capable d’entraîner une diminution de la teneur atmosphérique en gaz carbonique, qui à son tour modifie la circulation atmosphérique. Ce mécanisme illustre à quel point l’atmosphère, l’océan, la biosphère sont intimement imbriqués dans la dynamique du climat. Par contre, il est beaucoup plus difficile d’évaluer l’importance effective d’une telle chaîne dans les variations climatiques passées. Par exemple, lors du dernier maximum glaciaire, il y a 20 000 ans, l’intensification des upwellings côtiers ne permet pas d’expliquer la forte diminution de la concentration de gaz carbonique dans l’air. D’autres mécanismes ont été proposés faisant intervenir l’érosion, les apports d’éléments nutritifs, mais aucun ne résoud le problème. Le débat reste ouvert.
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