L'effet de serre additionnel : Le forage de Vostrok
Communiqué de presse
420 000 ans d’histoire de l’atmosphère révélés par la carotte de glace de Vostok, en Antarctique.
Paris, le 3 juin 1999.
« Des chercheurs français, russes et américains ont mesuré la température, la concentration en aérosols, en gaz à effet de serre et différents paramètres du climat et de l’environnement de la Terre sur les quatre derniers cycles climatiques. Les résultats confirment l’idée selon laquelle les variations du climat sont initiées par les changements orbitaux de la Terre et largement amplifiées par les gaz à effet de serre. Les fortes concentrations des gaz à effet de serre, jamais observées lors des derniers 420 000 ans, mettent en relief le rôle que pourraient jouer ces gaz dans le réchauffement climatique possible de la planète. L’étude est présentée aujourd’hui dans la revue spécialisée Nature par 19 chercheurs des trois nations participantes, dont 13 glaciologues et climatologues des laboratoires du CNRS de Grenoble et de l’unité mixte CEA-CNRS de Saclay. »
Parmi les signataires de ce communiqué historique, on relève les noms du Français Jean Jouzel, directeur de recherches au Commissariat à l’énergie atomique (cea) et directeur de l’institut Pierre-Simon-Laplace des sciences de l’environnement global ; ainsi que celui de Claude Lorius, directeur de recherche émérite du Centre national de la recherche scientifique (cnrs) au Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (Grenoble) qui obtinrent pour l’ensemble de leurs recherches la prestigieuse médaille d’or du CNRS en 2002.
Afin de saisir l’importance de l’événement, il convient de revenir sur les recherches d’un climatologue danois nommé Willi Dansgaard. En 1964, après plus d’une décennie d’observations et de mesures, Dansgaard est à même d’expliquer la proportion variable de deux isotopesde l’oxygène dans les eaux de précipitation : l’isotope lourd, 18O (qui compte pour 0,2 %) et l’isotope 160 (qui compte pour 99 %). Pour le dire vite, la proportion de 18O diminue avec la température. En effet, nous avons vuque, si l’on considère la circulation atmosphérique générale, les masses d’air tendent à s’élever (mouvements de convection) puis à se déplacer horizontalement vers les pôles (mouvements d’advection). Or les molécules d’eau qui contiennent de l’180, plus lourdes, se condensent plus facilement. Il en résulte qu’au fil des déplacements des masses
On sait qu’aux pôles, les neiges s’accumulent en couches successives et forment de la glace. Il existe donc une relation entre la moyenne annuelle des températures et la proportion de 18O dans les précipitations accumulées sous forme de neige et de glaces aux pôles : plus il a fait froid au cours d’une année et moins il y a d’isotope lourd dans la couche de glace polaire qui correspond à cette année-là. Ainsi les couches de glace du Groenland, et surtout celles de l’Antarctique (plus éloignées des autres continents) représentent-elles des archives du climat des dernières centaines de millénaires : plus l’on fore profond et plus l’on met au jour des archives anciennes. Cette méthode représente ce que l’on nomme parfois un « thermomètre isotopique ».
Les forages se sont déroulés pendant dix-sept ans, à partir de 1980. Dans cette région, les conditions sont difficiles : les vents peuvent atteindre plus de 300 km/h ; la température annuelle moyenne ne dépasse pas – 55 °C et un record à – 89 C a été enregistré. En tout, 3 623 m de glace ont été forés. Ce forage n’est pourtant pas le premier : dès 1958, Willi Dansgaard s’était penché sur la glace vieille des icebergs du Groenland. Mais elle était encore trop récente et ne permettait pas de remonter assez loin dans le temps.
En 1966, une équipe américaine a procédé à des forages au Groenland, toujours en relation avec Willi Dansgaard. Les carottes de glace obtenues ont permis de montrer que certains changements climatiques sont survenus en quelques décennies seulement, ce que ne prévoyait pas la théorie astronomique de Milankovitch, et ce à quoi, en règle générale, ne s’attendaient pas les climatologues. D’autres carottages ont ensuite eu lieu en Antarctique, dont celui qui fut effectué en 1975 par Claude Lorius et son équipe et qui a permis de reconstituer 40 000 ans de variations climatiques.
Les scientifiques de la station Vostok n’ont pas seulement mesuré les variations de température par la méthode du « thermomètre isotopique » dont le principe vient d’être évoqué : ils ont également analysé la composition de l’atmosphère en gaz carbonique et en méthane ; ainsi que les variations des flux de poussières provenant des déserts, et celles des aérosols produits par les embruns marins.
Les résultats scientifiques sont spectaculaires. Depuis les années 1750-1800, on observe une augmentation spectaculaire du taux de C02 dans l’atmosphère. Ce taux passe de 280 parties par million en volume (ppmv) en 1750-1800 à 350 ppmv en 2000, environ. Une augmentation du même type peut être observée pour le méthane (CH4), mais elle se mesure cette fois en parties par milliards (ppb : « parts per billions ») – de 800 ppb en 1800 à 1 700 ppb environ en 2000. Même chose, enfin, pour le protoxyde d’azote N20 dont le taux passe de 270 ppb à 310 ppb environ aux mêmes dates.
Le troisième point dont nous sommes assurés depuis le traitement des carottes de Vostok est la corrélation forte
Vidéo : L’effet de serre additionnel : Le forage de Vostrok
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : L’effet de serre additionnel : Le forage de Vostrok