Qu'est-ce que le Minimum de Maunder ?
Le Minimum de Maunder
Le Minimum de Maunder se définit, pour l’essentiel, à partir d’observations post-galiléennes, notamment sous Louis XIV à l’Observatoire de Paris, création scientifique typique du Grand Siècle colbertien. Un astronome allemand, R. Wolf, lors des années 1856-1868, procédera au comptage des taches solaires année par année, grâce aux Archives d’Ancien Régime de l’Observatoire de Paris et de notre Académie des sciences. Sur cette base, l’astronome Spôrer, allemand lui aussi, en un texte paru dans la revue d’astronomie de Leipzig (1887), a mis en évidence une quasi-disparition des taches solaires entre 1645 et 1715. Ces observations et comptages, enrichis de quelques données supplémentaires, ont été repris par un astronome anglais, E.W. Maunder, en trois articles parus dans la revue Knowledges en 1890, 1894 et 1922. Le Minimum dit injustement « de Maunder », ou « soleil en grève de ses taches », est le plus important ; deux autres petits minima, l’un dit de Spôrer, autour de 1550- 60, l’autre, dit de Dalton, vers 1820, ont été identifiés. À quoi est venu s’ajouter celui de Wolf vers 1300-1320.
On sait que les étoiles de type solaire ont de temps à autre, elles aussi, des minima. J.A. Eddy, dans le journal Science en 1976 (« le Roi Soleil sans tache »), a mis ce Minimum de Maunder en rapport avec le PAG, assez prononcé au xviie siècle. Ce moment (1645-1715), considéré depuis lors comme important pour la planète, se caractériserait selon M. Eddy par un possible et faible déficit de l’irra- diance solaire, donnant lieu (?) à un « maximum » du PAG. À l’échelon de l’hémisphère Nord, les études de Jones et Mann montrent en effet pour le xviie siècle en général une différence de quelques dixièmes de degrés en moins par rapport à la période de référence. On observe certes, toujours pour le xviie siècle, une autre époque de fraîcheur, entre 1570 et 1630 : indépendante du Maunder, elle correspond disions-nous à une phase de forte intensité du PAG (alias hyper-PAG).
Des études précises, notamment celles de K. Briffa et de M. Lachiver, ont montré que cette période « maundérienne » (1645-1715) peut cependant comporter, dans l’hémisphère Nord, sinon des épisodes chauds, en tout cas nettement « moins frais ».
Quoi qu’il en soit, dans l’espace franco-suisse, cette phase Maunder est intérieurement contrastée. Luterbacher, en particulier dans un colloque intitulé « Du Minimum de Maunder à l’effet de serre » qui s’est tenu en Angleterre à la fin du xx6 siècle, avait insisté sur le rafraîchissement de la fin du xviie siècle, notamment lors d’étés pourris générateurs de famines, comme celles de 1692-1693 en France, et de 1697 (en Scandinavie, Écosse, Finlande). En ce dernier pays fut provoquée, de ce fait, une baisse de 20 % de la population. Actuellement, les positions sont plus nuancées encore : le rafraîchissement dans l’hémisphère Nord, notamment à l’échelle européenne, est plausible au xviie siècle ; il serait dû soit à une légère baisse de l’irradiance solaire (?), soit à des oscillations de type volcanique, ou atmosphérique, ou «NAO1»… qui parfois nous échappent. Mais même à cette échelle, on observe des moments « dix-septiémistes » de moindre fraîcheur. En revanche, les phases (avérées) de plus forte fraîcheur, dans le cadre européen, sont notamment perceptibles au niveau des étés ; on observe quatre d’entre elles : la succession des trois étés frais de 1648/1649/1650, qui furent néfastes aux céréales, situation qui a pu accentuer le mécontentement (prix du pain élevé) pendant la Fronde ; les étés de 1673 à 1675 (Mme de Sévigné écrit en 1675 à ce propos : « Le procédé du soleil et des saisons est tout changé ») ; les étés de 1687 à 1700, période (déjà rencontrée) de treize années globalement fraîches ou très fraîches en Angleterre de 1688 à 1700 (M. Hulme) et de famines bien connues, imputables à l’insuffisante maturation des céréales ; enfin, les étés de 1709 à 1717 ou du moins jusqu’en 1715, que l’on sait souvent rafraîchis d’après les indices de Van Engelen et les dates de vendanges.
Au total, il s’agit d’oscillations plutôt que d’une période 1645-1715 perpétuellement froide. En outre, ces divers schémas ont été récemment modifiés par les travaux de Luterbacher en personne ! Le MM1 est admis par des climatologues mondialistes, comme Ph. Jones ou Michael Mann ; mais on note des variations à l’échelle européenne, telles que les montre Luterbacher en un article paru dans Science (5 mars 2004), à partir d’études sur différentes régions du climat européen depuis la Russie jusqu’à Gibraltar. Si les hivers du xviie siècle sont froids, on observe cependant, en plein MM, entre 1685 et 1738, un vecteur de graduel et modeste réchauffement des moyennes hivernales, réchauffement sans équivalent au cours des 500 dernières années, et ce malgré l’aléa de certains grands hivers, comme celui de 1709. Ce modeste réchauffement n’est pas comparable, quoi
qu’il en soit, à notre situation française, contemporaine, dépourvue grosso modo d’hivers vraiment très froids depuis 1988 inclusivement1. Quant aux étés, la tendance à leur réchauffement, certes temporaire et modeste, sera nette de 1731 à 1757. Cela dit, on observait déjà, en France, en plein « MM », quelques belles séquences d’étés chauds, notamment ceux de la décennie Colbert (les années 1660), mais aussi la période 1676-1686, avec des étés plus que tièdes, de bonnes récoltes au moins entre 1681 et 1686, comme l’a montré M. Lachiver2. La période 1704-1707 se présente elle aussi comme une séquence d’étés chauds, assez dangereux par leurs conséquences dysentériques : elle provoque en France 200 000 morts supplémentaires (toujours les déshydratations, toxicoses et diarrhées des enfants et autres personnes). La notion de variabilité demeure ici essentielle.